Bienvenue dans la huitième édition de la newsletter de V-Europe. La newsletter de cette semaine est rédigée par Me Adrien Masset, avocat de nombreuses parties civiles pendant ce procès en tant que membre de l’équipe de défense de V-Europe. Cette semaine a été consacrée à la présentation des différents accusés.
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Sommaire
- La semaine écoulée, par Me Adrien Masset
- La semaine à venir
- Invitation : Groupes de rencontres
La semaine écoulée, par Me Adrien Masset
Le lundi 30 janvier a été consacré à la présentation de l’accusé Smaïl FARISI (conseil : Me Xavier Carrette), diplômé comme technicien électricité mais n’ayant jamais travaillé, joueur et alcoolique. Il a toujours émargé au CPAS, vivant chez ses parents mais ayant loué des studios à deux reprises, notamment pour y bénéficier d’un statut financièrement plus intéressant pour le CPAS ; il a ainsi loué un studio avenue des Casernes qu’il sous-louera à Ibrahim EL BAKRAOUI, un ami d’école, avant décembre 2015.
Les enquêteurs détaillent les nombreux passages de S. FARISI à ce studio, parfois pour de longues heures, où il rencontre les deux frères EL BAKRAOUI, et, le 16 mars 2016, au lendemain de la fusillade de la rue du Dries, Bilal EL MAKOUKI et Ossama KRAYEM. FARISI croit ce que lui dit Khalid EL BAKRAOUI que KRAYEM, qui loge sur place, n’a rien à voir avec le terrorisme dont parle la presse mais bien avec le grand banditisme. FARISI passe chaque jour au studio dont le 20.03 pour avoir de l’argent ; le 21.03, il quitte le studio à 18h01 et n’y revient que le 22.03 vers 16h30 : il n’est donc pas présent lors de l’arrivée des sacs chargés des bombes qui sont amenées à 22h15 et 00h12.
Le 22.03, il revient au studio vers 16h30 et on l’y voit chercher le badge et la clé qui avaient été remis à EL BAKHRAOUI : ne les trouvant pas, il s’emploie laborieusement à changer les serrures ; il dira que ce même 22.03, il a vu les photos de Zaventem et avoir cru reconnaître les deux frères EL BAKRAOUI.
Insinuent une implication de S. FARISI dans les faits, un message du PC Max Roos sous le surnom « fumier » (ce qu’il conteste), l’arrestation de BAKKALI le 26.11 qui est passé aussi par le studio Casernes, ses allées et venues très fréquentes ; par contre, aucun radicalisme n’a jamais été relevé, et il n’avait aucun attrait pour l’islam ou la Syrie.
Une reconstitution filmée a été réalisée sur la journée du 16.03-17.03 quand FARISI revient au studio Casernes vers 3h00 (nuit) et qu’il y rencontre KRAYEM et Khalid EL BAKRAOUI : il soutient avoir insisté pour les faire partir dès le 21, ce qui fut promis par eux pour le 22 puis pour le 23.
Dès le 23 mars 2016, FARISI s’active à vider le studio, avec son frère Ibrahim à qui il a dit avoir besoin de lui car il était dans la merde, sans se rappeler s’il lui en a expliqué les motifs. De manière surprenante, Ibrahim manipule avec un gant en latex un sac vide ; la presse n’avait pas encore diffusé de photos de sac. Ils font tout disparaître sans rien garder pour remise à leurs propriétaires ; il n’y avait qu’une odeur de parfum (musc) et non de TATP.
S. FARISI a demandé de passer l’épreuve du polygraphe mais, le jour dit, il a dû y être renoncé au vu des médicaments qu’il prenait (et d’un joint fumé)
FARISI a été sous mandat d’arrêt d’avril 2016 à février 2018. Il comparaît libre à la cour d’assises.
Vient ensuite la présentation du kamikaze Ibrahim EL BAKRAOUI, explosé à Zaventem.
Sa dernière apparition avenue des Casernes est en date du 29.02.16.
Il disposait de beaucoup d’argent liquide et il est acquis que tous les achats se sont intensifiés à partir du 14 mars.
La journée du mardi 31 janvier a commencé par la présentation du kamikaze Najim LAACHRAOUI, explosé à Zaventem : il était radicalisé, une première fois interpellé en 2012 lors d’une manifestation organisée par Sharia 4 Belgium ; après une tentative avortée en 2013, il partira plus tard en Syrie (Abou Idriss El Belgiqui) ; il a été condamné par défaut le 03.05.16 ; il a été membre de différents groupes de l’EI et a eu différentes fonctions : combattant aux côtés de EL MAKOUKI, geôlier supposé de journalistes français en 2014, enrôlé dans une brigade spéciale.
Est ensuite venue la présentation du kamikaze Khalid EL BAKRAOUI, explosé à Maelbeek : radicalisé en prison où il se trouvait de 2009 à 2013 pour une tentative de braquage de grand banditisme ; en 2013, il est libéré sous bracelet électronique puis obtient une libération conditionnelle. Il a beaucoup reçu la visite en prison de son cousin Oussama ATAR.
A la sortie de prison, il a changé d’aspect, s’est marié (sa veuve accouchera d’un fils 1,5 mois après les attentats) ; il est impliqué dans l’attaque du Thalys et dans les attentats de Paris.
Il était connu dans le grand banditisme à Bruxelles et suspecté dans un autre dossier d’assassinat gratuit d’un pensionné sortant d’un café (pour voir ce que cela faisait de tuer quelqu’un) et dans un vol dans un musée d’œuvres d’art dont la revente aux assureurs n’a pas fonctionné. Il a loué l’appartement de la rue du Dries.
La journée du mercredi 1er février a été tout entière consacrée à la présentation de l’accusé Mohamed ABRINI(conseil : Me Stanislas Eskénazi), dit Abou Yayah, déjà condamné à Paris à la perpétuité avec période de sûreté de 22 ans (la Présidente a lu un large extrait de l’arrêt de condamnation sur sa culpabilité alors qu’il était revenu en Belgique la veille des attaques) ; il est allé en Syrie dès juin 2014 ; il a été arrêté le 8 avril 2016 après une cavale dans Bruxelles après l’attentat de Zaventem ; il était voisin et proche d’ABDESLAM et d’ABAOUD.
Il dit avoir été bouleversé par le décès de son frère en Syrie et celui d’autres amis, ainsi que par la situation imposée en zone de Gaza : il s’est radicalisé lors de son séjour à la prison de Forest ; il était surnommé « Brings » et vivait d’argent volé ou gagné aux jeux ; il est polycriminel dès ses 13 ans et a beaucoup connu la prison.
Il a fréquenté presque toutes les planques connues, dont avenue de l’Exposition (avec 6 autres radicalisés), rue du Dries et rue Max Roos.
Il a rédigé son testament quand il était rue du Dries, sur insistance des autres car, dit-il, il savait que, au fond de lui-même, il ne mourrait pas.
Il a interprété le Coran par décontextualisation pour soutenir que le djihad armé était une obligation individuelle.
Ce serait BELKAID qui aurait imposé que ABDESLAM reste rue du Dries et qu’ABRINI parte rue Max Roos où il a passé 3 semaines (à l’exception d’un séjour de 2 à 5 nuits rue Tivoli avec BAYINGANA et KRAYEM : c’est là qu’il retourne le 22.03 ainsi que le 07.04, veille de son arrestation, où personne ne vient lui ouvrir). Il a raconté l’épisode du début d’incendie le 14.03 rue Max Roos et l’intervention du propriétaire et du concierge le 15.03 vu l’inondation causée.
A la question de savoir pourquoi il n’a pas fui plus tôt, ABRINI a répondu aux enquêteurs parce qu’il voulait aller jusqu’au bout avec les deux autres qui sont des vrais gentils et parce qu’il voulait les accompagner jusqu’à la mort de Najim LAACHRAOUI.
Sa cavale dans Bruxelles jusqu’à son arrestation le 08.04.16 est décrite avec beaucoup de détails.
La sûreté de l’État avait déclassifié en 2016 des informations notamment sur des écoutes réalisées en mai 2016 à la prison de Bruges entre ABRINI et NEMMOUCHE, le terroriste du Musée juif de Belgique été EL MAKHOUKHI ; ces éléments n’ont été versés au dossier qu’en 2019, ce qui emporte des protestations de la défense.
La journée du jeudi 2 février a été tout entière consacrée à la présentation de l’accusé Bilal EL MAKHOUKHI (conseils : Me Nicolas Cohen et Me Virginie Taelman), dit Abou Imrane.
Il est porteur d’une prothèse à la jambe droite depuis janvier 2015 en raison d’un accident au combat en Syrie où, parti en 2012 car le fait de ne pas trouver d’emploi de plombier en Belgique lui pesait, il a fait partie du même groupe que LAACHRAOUI et ABAOUD (l’homme au volant de la 4X4 traînant des otages) spécialisés dans l’enlèvement de journalistes.
Selon la juge d’instruction et les enquêteurs, il a toujours tout nié pour, petit à petit, reconnaître ce qui était une évidence en fonction des éléments de preuve qui lui étaient soumis. Ainsi pour le surnom Abou Imrane, ainsi pour avoir récupéré (où ? et avec qui ?) les armes évacuées (par qui ?) de la rue Max Roos et pour les avoir remis à quelqu’un d’autre (qui, où, quand ?), ainsi pour des preuves ADN.
Il a été arrêté le 8 avril 2016 à la suite d’observations. Il a été filmé à l’avenue des Casernes et à la rue Max Roos le 16.03 ; on l’y voit encore le 20.03 à Max Roos. Un papier Abou Imrane et Abou Amin avec un n° de tél. est retrouvé rue Max Roos et dirigera l’enquête vers lui et vers BAYINGANA ; ils ont travaillé tous les deux dans un même magasin à Bruxelles.
Il était porteur d’un bracelet électronique jusqu’au 15.03.16 (condamné dans le procès Sharia 4 Belgium en 2015), ce qui ne permet pas de le localiser quand il est à l’extérieur de chez lui où il doit se trouver durant certaines tranches horaires imposées.
Il a refusé de répondre aux questions durant la reconstitution à l’appartement de la rue Max Roos.
Il a été entendu à 7 reprises, dont une dernière fois en juin 2022 : il reconnaît avoir combattu en Syrie dans un groupe armé fort de 300 personnes.
Il affirme n’avoir aucun mort sur la conscience et avance que, toutes les nuits, il dort comme un bébé. Il dit que lors de son passage rue Max Roos le 21.03, vers 18h10, les armes étaient encore toujours dans l’appartement, qu’il ne sait pas s’il y avait une odeur de TATP.
Il a beaucoup fréquenté Khalid EL BAKRAOUI depuis leur sortie de prison à l’époque.
Les expertises le disent psychorigide, faussement collaborant, très radicalisé avec une personnalité clairement antisociale.
La semaine à venir
La Présidente est toujours dans l’expectative pour l’agenda : une certitude, il n’y aura pas d’audiences du vendredi 17 février au dimanche 25 février : la semaine du 20 au 24 février 2023 reste bien en congés. Les questions (à ce jour, seuls les juges de la cour d’assises et les jurés peuvent poser des questions) et commentaires après ces témoignages des juges d’instruction et enquêteurs devraient prendre place le jeudi 9 février et du lundi 13 au jeudi 16 février, et, si nécessaire, se poursuivre lors de la reprise le lundi 26 février. La présentation des autres accusés se poursuivra donc la semaine prochaine jusqu’au mercredi 8 février inclus. A priori, mais sans certitude, lundi 6 février sera consacré à Osama Krayem, mardi 7 février à Hervé Bayingana Muhirwa, Sofien Ayari et Salah Abdeslam et mercredi matin à Oussama Atar.
Prochains évènements de l'association
V-Europe a lancé un projet appelé “Groupes de rencontre” qui se poursuivra le samedi 11 février 2023.
Retrouver du lien et être ensemble, faire quelque chose avec ce que l’on ressent et y donner du sens, ou même s’entraider dans une atmosphère bienveillante. Voici différents besoins exprimés par certains d’entre vous. L’objectif de notre invitation est de répondre à vos demandes.
Face aux multiples attitudes que le procès nous pousse à avoir : l’intérêt ou l’indifférence, la participation ou non, il est presque impossible de l’évincer de la réalité.
Nous sommes persuadés que la diversité de ce que vous vivez et l’expérience qui vous unit peuvent servir à aller de l’avant car vos ressentis sont précieux. Nous sommes aussi convaincus que nous réunir afin de discuter autour de quelques gourmandises et d’une boisson chaude n’aura qu’un effet positif sur votre moral.
Si vous êtes intéressé(e) de joindre un "Groupes de rencontre", n’hésitez pas à répondre à l’adresse suivante : david.polizzi@v-europe.org ou à communiquer avec les coordinateurs. Ceux-ci animeront le groupe avec Jacques Roisin, un collaborateur riche d’expériences qu’il nous tarde de vous présenter.
L’adresse exacte vous sera communiquée après réponse de votre part mais sachez que cela se déroule à Ottignies dans la maison de V-Europe entre 10h et 12h. Vous êtes les bienvenus dès 09h30 pour prendre le café. En espérant vous voir nombreux !
Soutien et défense
V-Europe fournit un soutien à toute victime de terrorisme qui le demande. Au moins un de nos coordinateurs est présent chaque jour au procès, et porte une veste blanche distinctive avec le logo de V-Europe dans le dos. N’hésitez pas à leur faire remarquer votre présence si vous le souhaitez. Plus d’informations sur nos coordinateurs sur le site web de V-Europe, en appelant ce numéro : +32 10 86 79 98 ou par mail : info@v-europe.org.
Vous souhaitez être défendu lors du procès ? V-Europe a mis en place un collectif d’avocats qui défendent les victimes pendant le procès. Guillaume Lys, Nicolas Estienne, Adrien Masset et Sanne de Clerck joignent leurs forces pour vous défendre pendant ce long procès. Plus d’informations ici ou par mail à l’adresse 22-3@v-europe.org.
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