Bienvenue dans la dix-neuvième édition de la newsletter de V-Europe. La newsletter de cette semaine est rédigée par l'équipe de défense de V-Europe, qui défend de nombreuses parties civiles pendant ce procès.
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Sommaire
- Lundi 17 avril : audition d'experts (INCC, ADN, ...)
- Mardi 18 avril : audition d'experts (INCC, médecins légistes, ...)
- Mercredi 19 avril : audition de terroristes condamnés et du chef d'enquête MOITROUX
- Jeudi 20 avril : audition de proches des accusés
Lundi 17 avril : audition d'experts (INCC, ADN, ...)
Le compte-rendu de cette journée est partiel. Un compte-rendu complet sera publié au plus vite.
De nombreux experts en ADN et des spécialistes de l’INCC (Institut national de criminalistique et de criminologie) en ADN et micro-traces ont été entendus toute la journée de ce lundi 17 avril.
Les comparaisons entre les profils ADN des accusés et les traces sont explicitées : il s’agit des traces relevées dans les différentes planques et sur les objets de la vie quotidienne trouvés dans celles-ci, ainsi que dans le taxi utilisé pour le trajet vers l’aéroport. Cette présentation prolongeait de la sorte les synthèses déjà présentées par les enquêteurs, au début du procès, à propos de ces différents endroits.
Les experts ont ainsi avancé des nuances car la qualité dépend de nombreux paramètres, tels que la qualité de l’échantillon récupéré (le sang ou la salive sont bien meilleurs indicateurs que les cellules cutanées ou les cheveux), la qualité du donneur ou l’environnement de conservation (par exemple l’humidité). Les difficultés croissent lorsqu’il s’agit de profils mixtes ou mélangés, à savoir quand un résultat fait apparaître le profil simultané de plusieurs personnes. L’urgence de l’intervention de ces experts avait permis de désigner B. EL MAKHOUKI qui s’en défendait et, après travail avec calculs statistiques, ce dernier a pu être dissocié de certaines traces qui le mettaient jusqu’alors en difficulté.
Un débat s’est engagé sur la présente d’ADN mixte de BAYINGANA et d’ABRINI sur un coton-tige retrouvé dans une poubelle de l’appartement de la rue Max Roos. BAYINGANA s’en défend car il s’agit du seul élément qui attesterait de sa présence dans cette planque où furent fabriquées les bombes. Il avance l’hypothèse d’une transmission par transfert via l’utilisation d’écouteurs intra-auriculaires prêtés à ABRINI par lui-même dans son appartement de la rue Tivoli : les experts présents jugent l’hypothèse peu plausible (ADN présent en quantité et de bonne qualité sur les deux bouts du coton-tige), sans pouvoir l’exclure. Les experts concluent qu’il y a une très forte probabilité qu’il s’agisse de BAYINGANA.
Les experts ont précisé à plusieurs reprises que le résultat qui ne permet pas d’inclure une personne n’équivaut pas à l’exclure.
Les experts retiennent la trace d’EL MAKHOUKI à la rue Max Roos au vu des traces sur un gobelet et un noyau de pêche.
L’expert toxicologue affirme que les kamikazes qui se sont fait exploser n’étaient pas sous l’influence de l’alcool ni de stupéfiants.
Mardi 18 avril : audition d'experts (INCC, médecins légistes, ...)
Le mardi matin, trois experts du laboratoire balistique de l’INCC sont venus expliquer leurs résultats. Il s'agit de Monsieur DE CEUSTER Jan, CHARLES Sébastien et CHABOTIER André.
M. DE CEUSTER s'est rendu à l'aéroport de Zaventem le 22 mars 2016, interrogé par le parquet de Halle - Vilvorde. Rien n'indique que des coups de feu aient été tirés sur les lieux, mais un scénario "Bataclan" a été envisagé.
Sur place, M. DE CEUSTER a recueilli des informations auprès des médecins légistes qui l'ont informé que les victimes ne présentaient pas de blessures dues à des balles.
Une arme a été découverte à l'aéroport, il s'agit d'un Zastava M70 de calibre 7,65 mm Browning et un revolver. Une balle a été trouvée dans l'ouverture du canon de l’arme Zastava. Des munitions et un chargeur ont également été retrouvés. Il s'agirait de munitions provenant de la police.
M. DE CEUSTER n'a pas vu ces objets lui-même le 22 mars 2016.
Le 9 juin, M. De CEUSTER a assisté l'expert en ADN FRIPPIAT dans le cadre de la sécurité en prélevant le revolver. En ce moment, Il s'est avéré que le revolver avait probablement été transformé du calibre .21 Blanche en .22 Short/Long Rifle. La poignée et le mécanisme de déclenchement sont manquants. Trois cartouches et deux cartouches sont visibles dans le barillet.
À la suite de l'exposé de M. de CEUSTER, Mme. la Présidente revient sur les observations formulées par M. de CEUSTER concernant l’arme saisie le 28 mars 2016 qui se trouve dans la vitrine avec les pièces à conviction du procès.
Le rapport sera présenté à M. DE CEUSTER lors de l'audience et brièvement expliqué par celui-ci. Le rapport fait référence à un fusil de chasse calibre .22 Long Rifle. L'arme est désassemblée.
Les balles et les douilles ont été insérées et comparées aux cas répertoriés dans la base nationale de données balistiques. Ces comparaisons n'ont pas permis d'établir un lien avec des faits balistiques déjà traités dans la base nationale de données.
En 2019, une enquête balistique a été ordonnée sur un sac trouvé dans la rue Max Roos. Il s'agissait de déterminer si ce sac contenait des armes. On peut conclure que le sac a été en contact avec une arme ou une personne ou un objet contenant des traces d'arme. Des traces ont été retrouvées à l'intérieur et à l'extérieur du sac.
Le juge assesseur pose la question de savoir si l'arme Zastava est une arme commune. L'expert répond que non et que cette arme a probablement été fabriquée dans les années 1970. Un expert affirme n'avoir jamais rencontré cette arme au cours de sa carrière. L'autre expert affirme qu'il s'agit d'une arme rare mais pas unique.
Le procureur fédéral dresse la liste des armes et chargeurs trouvés dans la rue Dries. Elle demande aux experts s'il est courant de trouver un tel arsenal. La réponse à cette question est négative. Ils soutiennent qu'il s'agit d'armes destinées au personnel militaire et que la découverte des dix chargeurs est également très exceptionnelle.
Maître PACI, dans ses commentaires, souligne que son client, Salah ABDESLAM, a déjà été condamné pour la fusillade de la rue Dries et que le jury ne peut donc plus en tenir compte. Elle souligne que Messieurs ABDESLAM et AYARI n'ont pas utilisé toutes ces armes et chargeurs lorsqu'ils se sont enfuis de la rue Dries, alors qu’ils auraient pu y faire un carnage policier.
Après les trois experts du laboratoire de balistique de l'INCC, un expert de l’École royale militaire, spécialisé dans l’analyse des composants chimiques d’explosifs, a été entendu.
M. HERMAN a présenté le résultat de ses analyses effectuées sur les vêtements saisis lors de la perquisition dans la rue Max Roos où environ 130 kilos de TATP ont été fabriqués en mars 2016. Sur les neuf vêtements analysés, quatre pièces (plus précisément sur trois pantalons et une veste) contenaient des quantités significatives d’acide sulfurique.
L’expert a expliqué qu’il est improbable que des ions d’acide soient présents sur les vêtements d’une personne qui ne manipule pas le TATP. Mais, il est possible que le TATP, après s’être évaporé en partie, se cristallise ensuite sur les vêtements, bien que cet explosif soit peu volatil.
La Présidente et le jury ont interrogé l'expert sur la conservation du TATP. « Si l’on fabrique cela en avril pour un projet [d’attentat] en juin, qu’en est-il de l’efficacité? ». Selon l'expert, le TATP peut être conservé sans réduire l'efficacité due à une dégénérescence pendant des semaines, voire des mois. M. HERMAN a précisé que l’explosif est cependant très sensible et il existe toujours un risque d'explosion. Par exemple, le soleil qui brille sur une fenêtre peut avoir une influence.
Maître STUYCK se réfère à la déclaration de son client, Osama KRAYEM, au SEDEE, dans laquelle il décrit comment il aurait jeté le TATP dans la douche et les toilettes de l'appartement de l’avenue des Casernes en petites quantités pendant 20 minutes. Elle demande à l'expert quel était le degré de dangerosité de cet acte. En ce qui concerne la neutralisation du produit, M. HERMAN a déclaré que le trempage dans l'eau réduisait considérablement ses effets.
Après la pause, les médecins légistes et les odontologues, qui ont examiné les victimes décédées et les trois kamikazes, se sont exprimés. Ils utilisent des PowerPoints complets pour accompagner leurs présentations.
La première partie présente les conclusions de Maelbeek. Par zone, les victimes et leurs blessures sont examinées. La cause du décès est déterminée. Sur la base des blessures, les médecins ont pu déterminer approximativement à quelle distance de l'explosion elles se trouvaient.
Les médecins légistes qui étaient présents sur le site ont déclaré avoir entendu les téléphones portables des victimes sonner en permanence.
La Présidente interroge les experts sur les causes de la longueur de la procédure d'identification. Il est précisé que les corps des victimes étaient très gravement mutilés, ce qui rendait leur identification peu évidente. Il a été choisi de ne pas s'appuyer sur les documents d'identité parfois trouvés sur ou près des corps pour l'identification. L'objectif était de parvenir à une identification concluante de manière scientifique afin d'éviter les malentendus. Cela a pris plus de temps.
Les odontologues expliquent qu'ils ont recueilli des données dentaires ante mortem par DVI afin de comparer ces informations avec les données post mortem. Ils expliquent pour chaque victime comment une comparaison peut être faite. Les comparaisons sont effectuées, par exemple, sur la base des obturations dentaires, des dents manquantes, d'un espace entre les dents, des traitements orthodontiques.
Enfin, les médecins légistes ont reçu une photo d'Osama KRAYEM le jour de son arrestation, le 8 avril 2016, leur demandant d'évaluer la blessure qu'il portait au visage. Sur la base de la photo, les experts ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas exclure que la blessure soit une brûlure.
Le chapitre sur Maelbeek est suivi du récit des médecins légistes qui ont examiné les victimes de Zaventem. Dix corps avaient été identifiés mercredi soir. Jeudi 24 mars 2016, vers 16h30, tous les corps avaient été identifiés.
Les identifications ont été faites par un quick scan, ce qui implique une autopsie abrégée et excisée.
Les experts notent que contrairement aux victimes de Maelbeek, les corps des victimes de Zaventem étaient relativement intacts. Les victimes de Maelbeek et de Zaventem présentent dans une large mesure les mêmes blessures, en particulier les blessures dues à l'explosion, les blessures dues aux projectiles primaires et secondaires et les blessures thermiques.
Les fragments métalliques retrouvés chez les victimes de Zaventem sont plus grands que ceux constatés chez les victimes de Maelbeek.
Par zone, les victimes et leurs blessures sont examinées. La cause du décès est déterminée. Des scans en 3D seront présentés.
Les experts précisent que leur enquête a montré que le kamikaze Najim LAACHRAOUI n'était pas sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants. En revanche, du TATP a été retrouvé dans son sang. Quant au kamikaze Ibrahim EL BAKRAOUI, le dossier médical indique qu'il serait porteur d'un pacemaker. Ce pacemaker a dû être retiré de son vivant car il n'a pas été retrouvé lors de l'autopsie.
Le procureur fédéral interroge les médecins sur l'impact de la présence d’une victime à l'aéroport de Zaventem, et si cette présence pouvait ensuite conduire à un suicide de cette victime. Les docteurs affirment que cela dépend de la personnalité de la victime. Plusieurs facteurs entrent généralement en jeu dans un suicide, mais les attentats peuvent être considérés comme un facteur incitatif. De lourdes souffrances poussent parfois au désespoir. Afin de pouvoir répondre correctement à la question, un examen psychiatrique devrait également avoir lieu.
Un médecin expérimenté, Wim VAN DE VOORDE, a déterminé qu'il n'avait jamais vu une telle ampleur de victimes et de blessés en Belgique. Il a la certitude que l'utilisation des bombes à clous a été fatale.
Le docteur Werner JACOBS compare les blessures des victimes avec les blessures de guerre qu'il a vues en ex-Yougoslavie.Mercredi 19 avril : audition de terroristes condamnés et du chef d'enquête MOITROUX
Le compte-rendu de cette journée est partiel. Un compte-rendu complet sera publié au plus vite.
La matinée était consacrée à l’audition de différentes personnes déjà condamnées en France pour divers faits d’association terroriste, notamment les attentats de Paris et l’affaire du Thalys.
Plusieurs convoqués n’étaient pas présents.
Le verviétois Mohamed BAKKALI, condamné à 30 ans à Paris dans le dossier des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et aussi à 25 ans pour l’attaque du Thalys du 21 août 2015, a certes été arrêté le 25 novembre 2015, mais il n’a alors rien dit aux enquêteurs à propos des planques situées à Bruxelles et n’a pas donné le nom des frères EL BAKRAOUI. S’il a tu ces éléments, c’était, d’une part, par peur pour ses enfants et, d’autre part, parce qu’il ne les imaginait pas capables de commettre un attentat. Le kamikaze du métro, Khalid EL BAKRAOUI, le plus jeune, était un type dangereux dont il fallait se méfier et qui avait déjà dit qu’il exécuterait celui qui viendrait à parler. Plus le temps avançait depuis 2013 lors de leur première rencontre, plus il évoluait et plus il inspirait encore la peur. BAKKALI a précisé que Khalid EL BAKRAOUI était capable de mettre une balle à un ami d’enfance. Fin septembre 2015, Khalid EL BAKRAOUI a dit d’un appartement à Schaerbeek que BAKKALI louait pour ses activités de contrefaçon, que lui, Khalid, allait l’utiliser pour des frères. La radicalisation de Khalid EL BAKRAOUI, un vrai parano, serait intervenue après l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015. BAKKALI a loué, sous un faux nom, des appartements pour les frères EL BAKRAOUI.
BAKKALI confirme la dangerosité des frères EL BAKRAOUI, le fait que ce sont eux les leaders, et le fait que c’étaient des taiseux qui ne parlaient guère (pour la propre sécurité de leurs interlocuteurs) ce que ne manquent pas de souligner les conseils de la défense des accusés qui ont côtoyé ces deux frères.
Est aussi entendu Yassine ATAR, frère de l’accusé Oussama ATAR qui fait défaut puisqu’il est supposé mort. L’épreuve de force a été engagée avec la Présidente : il refuse de dire pourquoi il a été condamné dans les attentats de Paris. Il refuse de répondre à n’importe quelle question et préfère que la Cour s’astreigne à la lecture, en sa présence, de ses 4 auditions qui figurent au dossier. Les magistrats fédéraux portent le commentaire que ce cousin des frères EL BAKRAOUI a dû voir la radicalisation de son frère Oussama dès 2012 tant elle était évidente. EL HADDAD conteste avoir su cette radicalisation car il n’était que l’ami d’Ibrahim et non de Khalid EL BAKRAOUI.
Un incident survient avec l’avocat DE TAYE qui est absent, comme son co-défenseur, alors qu’il avait annoncé un commentaire : la cour s’est obligée à attendre son arrivée pendant un temps relativement long.
Le reste de la journée est occupé par le témoignage du chef d’enquête MOITROUX qui présente un PowerPoint de localisation et de description des lésions de toutes les victimes encore en vie suite à l’attentat Maelbeek : il s’agit des victimes désignées dans l’arrêt de renvoi aux assises, à savoir les victimes qui se trouvaient dans les rames, sur les quais et dans les escaliers mais non pas celles qui se trouvaient dans la mezzanine ou dans la rue de la Loi.
Jeudi 20 avril : audition de proches des accusés
Le compte-rendu de cette journée est partiel. Un compte-rendu complet sera publié au plus vite sur notre site web.
La journée a été consacrée à tracer la personnalité des frères EL BAKRAOUI.
La directrice de la prison de Nivelles, Marie DE PAUW, où fut incarcéré Khalid en fin de détention de 2012 à 2014, dit avoir été, elle et l’équipe psychosociale, très choquée de savoir que Khalid était un des kamikazes, au point de revoir alors tout leur dossier comme si elles avaient raté quelque chose. Le garçon était jeune et immature, sans cadre (la famille n’a jamais émis le moindre stop), pas bête mais sans avoir l’intelligence de ses envies. Il a dû se radicaliser à la sortie de prison, il était même à l’époque quelqu’un de sympathique. Elle conclut que la prison c’est un peu de positif et beaucoup de négatif.
La Cour a lu la déposition de P. HAUTMAN, agent pénitentiaire de la prison de Nivelles, qui ne s’était pas déplacé pour témoigner.
La défense d’EL HADDAD se délecte de ce témoignage où même la directrice de prison n’a pas observé la radicalisation de Khalid EL BAKRAOUI, ce qui fait dire aux magistrats fédéraux qu’il s’agissait là d’un manipulateur qui a trompé tout son monde, même le tribunal de l’application des peines et le juge d’instruction.
Aucun témoin de la famille des frères EL BAKRAOUI ne s’est présenté : leurs dépositions faites durant l’enquête ont été lues.
La déposition de Muhammad USMAN est lue : il s’agit d’un pakistanais qui raconte son parcours en Syrie et qui fut mandaté par l’émir Abou Ahmed pour se sacrifier en Europe (attaque du Thalys). Il fut arrêté après son arrivée en Europe.
Les père, mère, frères et sœur de Najim LAACHRAOUI, le kamikaze de Zaventem, sont venus au complet pour témoigner, dont le frère Mourad qui fut champion d’Europe de taekwondo en mai 2016 pour la Belgique et qui fut qualifié pour les Jeux Olympiques de Rio de 2016. Il s’agit d’une famille unie et intégrée où chacun travaille. Najim a fréquenté l’université, il n’y avait pas d’internet à la maison, s’il s’est radicalisé c’est uniquement via la mosquée et les fréquentations de là-bas. Najim est revenu de Syrie sans rien dire à sa famille et sans venir la voir.
Est aussi entendu Othman AKZINNAY qui fut condamné comme dirigeant d’une association terroriste dans un dossier commun à Najim LAACHRAOUI et où il s’agissait d’une filière d’aide aux départs vers la Syrie. Il a retrouvé Najim à l’université.
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